Il est reproché au requérant d’avoir eu en sa possession et d’avoir distribué de la pornographie juvénile et d’y avoir accédé entre les années 2009 et 2016. Il présente une requête en exclusion de la preuve en vertu des articles 8 et 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés.
Une enquête policière a été entreprise à la suite de la disparition et du meurtre en juillet 2007 d’une enfant âgée de neuf ans. Le requérant est considéré comme le principal suspect dans cette affaire. En décembre 2015, les policiers amorcent une enquête parallèle visant à vérifier si le requérant a commis des infractions en matière de pornographie juvénile. Le 11 décembre 2015, des ossements identifiés comme provenant du corps de l’enfant disparue sont retrouvés à Saint-Maurice. Le 13 décembre 2015, une sergente présente une demande auprès de Facebook et reçoit le jour même la liste des adresses de protocole Internet (« adresses IP ») utilisées par le requérant pour accéder à son compte. Cette douzaine d’adresses IP différentes ont permis d’accéder au compte qui appartient au requérant pour la période du 6 au 13 décembre 2015. Les policiers obtiennent aussi la date de création du profil Facebook et les adresses courriel reliées à ce compte. L’analyse de ces adresses par les enquêteurs dans base de données (CPS) révèle que l’une d’elle est reliée au téléchargement de pornographie juvénile pendant la période comprise entre le mois de novembre 2010 et le mois de février 2011. Cette même adresse IP aurait été observée entre décembre 2009 et septembre 2013 sur des canaux ou des chambres reliées à l’exploitation des enfants. Ces canaux permettent la discussion, mais aussi le transfert de fichiers. Ces renseignements, obtenus sans autorisation judiciaire, ont fondé la délivrance d’ordonnances générales auprès de Facebook et du fournisseur d’accès Internet en décembre 2015 ainsi que des mandats généraux dont l’exécution a permis de saisir des ordinateurs, des disques durs, une clé USB et un téléphone cellulaire.
Le Tribunal conclut qu’au moment où ils présentent leur demande à Facebook, le 13 décembre 2015, les policiers n’ont aucun motif raisonnable de croire que le requérant a commis une infraction en matière de pornographie juvénile. Concrètement, il n’y aurait eu aucun motif valable d’émettre une ordonnance générale de communication si tant est que les policiers aient voulu en demander la délivrance. En l’absence d’une situation d’urgence et de motifs raisonnables de croire que le requérant avait commis une infraction en matière de pornographie juvénile, la fouille et la saisie des renseignements recueillis par l’entremise de Facebook sans autorisation judiciaire sont abusives. Comme les autorisations judiciaires de décembre 2015 n’auraient pu être délivrées sans les renseignements provenant de cette violation, les saisies, fouilles ou perquisitions qui en découlent contreviennent aussi à la charte. La défense a raison de prétendre que la démarche des policiers était basée sur de vagues hypothèses, voire une simple intuition. Il s’agit d’un cas où la violation est grave. Il ne s’agit pas d’une erreur technique ni d’un cas où les policiers étaient confrontés à l’état incertain du droit ou à des zones grises, mais bien d’une erreur flagrante.