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Recevabilité en preuve de séquences filmées à partir du visionnement d’un écran

21 Feb 2019 10:00 AM | CAN-TECH Law (Administrator)

L’accusée est soupçonnée d’avoir fraudé la pharmacie dont elle était la gérante.  Dans le cadre d’un voir-dire, l’accusée demande l’exclusion de séquences vidéo communiquées sur une clé USB. Ces séquences ont été captées par des caméras de surveillance et ont été automatiquement enregistrées sur un disque dur, lequel a une capacité de stockage de 30 jours, suite à quoi elles auraient dû être écrasées par l’enregistrement des nouvelles images. Dans les faits, une défectuosité du système a fait en sorte que le contenu du disque dur a été perdu avant même l’arrivée de cette échéance. Cependant, avant que ceci ne survienne, le plaignant, propriétaire de la pharmacie, a visionné plusieurs séquences captées par les caméras de surveillance qui se trouvaient sur le disque dur. Il a alors utilisé son téléphone portable pour prendre en vidéo l’écran sur lequel il faisait jouer les séquences, qu’il considérait incriminantes, afin de les conserver.  Les séquences originales situées sur le disque dur dont il a ainsi fait les copies ne sont plus accessibles. Seules subsistent les séquences telles que captées par le plaignant à l’aide d’un portable.

Le Tribunal retient qu’une séquence vidéo ne peut être admise en preuve sans qu’il ne soit établi au préalable, par prépondérance de preuve, qu’elle montre de façon en substance fidèle la réalité dont on entend faire la preuve au moyen de celle-ci. Les images ne doivent donc pas avoir été modifiées, sauf possiblement s’il est prouvé que la modification a eu pour seul effet de les clarifier. En l’espèce, la preuve d’authentification aurait été simplifiée si les séquences vidéo avaient été produites sur leur support original, et que l’on avait pu démontrer par surcroit qu’aucune opération quelle qu’elle soit  n’avait été effectuée sur le données ni sur leur support. Cela n’est cependant pas le cas ici. Mais le Tribunal ne croit pas qu’il s’agisse là de la seule façon de faire cette preuve. Une vidéo peut très bien continuer de représenter fidèlement la réalité captée par la caméra après avoir été transférée sur un nouveau support, ou transposée dans un format différent de sa version première. Le Tribunal examine donc si la poursuite s’est déchargée de son fardeau d’authentification par d’autres moyens.

Les séquences sont des copies que le plaignant a réalisées en prenant en vidéo, avec son téléphone portable, l’écran sur lequel il faisait jouer les séquences à partir du disque dur d’origine. Il a témoigné avoir vérifié que les heures indiquées au bas des images indiquent effectivement le moment où elles ont été captées par les caméras de surveillance et cette preuve n’a pas été contredite. Jusque-là, le Tribunal ne voit rien qui soit susceptible de modifier la réalité que les séquences vidéo sont censées faire voir, d’autant que le résultat obtenu est étonnamment clair et permet facilement d’identifier l’accusée en train de faire des opérations aux caisses enregistreuses en l’absence de client.

La preuve est par contre muette quant aux opérations effectuées par la suite, pour copier le contenu du téléphone portable vers un DVD et vers une clé USB.  Cependant, le Tribunal conclut que la représentation de la réalité n’a pas été altérée. Le plaignant voyait l’accusée effectuer des opérations sur les caisses enregistreuses situées à l’avant de la pharmacie au même moment où des opérations de remboursement étaient indiquées aux registres.  Il a alors pris des copies de ces séquences avec son téléphone cellulaire pour éviter qu’elles ne se perdent. L’ensemble des circonstances établies par le témoignage du plaignant ainsi que les pièces produites sont suffisantes pour établir, par prépondérance de preuve, que les séquences vidéo, bien qu’il s’agisse de copies, représentent toujours fidèlement la réalité qui fut captée par les caméras de surveillances aux dates et aux heures indiquées au bas des images.

En ce qui concerne une séquence, le témoignage du plaignant, qui a lui-même activé la caméra de l’ordinateur, est suffisant pour l’authentifier. Son témoignage, ainsi que le visionnement de la séquence, ne permettent pas de douter que celle-ci montre la réalité telle qu’elle a été captée par la caméra.

Le Tribunal estime que l’impossibilité d’obtenir l’ensemble des autres images vidéo qui, à l’exception de certaines séquences, se trouvaient sur le disque dur ne porte pas atteinte au droit de l’accusé à une défense pleine et entière. La poursuite n’a jamais eu la possession de ces séquences et on ne peut donc parler d’un manquement à son obligation de divulgation de la preuve. 

  • St-Cyr c. R., 2018 QCCS 4894 (CanLII), 16 novembre 2019. 

  

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