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Licenciement d’un employé, suite à des commentaires en ligne, annulé au nom de la liberté d’expression – Europe

19 Dec 2019 5:45 PM | CAN-TECH Law (Administrator)

Cette affaire concerne le licenciement d’un employé occupant un poste au service des ressources humaines (RH) d’une banque parce qu’il était contributeur d’un site Internet consacré à des questions de RH. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les juridictions internes ne s’étaient pas livrées à une mise en balance adéquate du droit à la liberté d’expression du requérant à l’aune du droit pour la banque de protéger ses intérêts commerciaux légitimes. En particulier, elle a considéré, contrairement au juge interne, que les articles sur des sujets intéressant un public professionnel pouvaient bénéficier de la protection de la liberté d’expression du simple fait qu’ils s’inscrivaient dans un débat général d’intérêt public.

Le requérant, Csaba Herbai, un ressortissant hongrois habitant à Budapest travaillait au service des ressources humaines d’une banque et il contribuait également à un site Internet dans lequel étaient postés des articles à caractère général sur les pratiques en matière de ressources humaines. La banque licencia le requérant au motif que les articles publiés par lui dans le site avaient violé les règles de confidentialité et nui à ses intérêts financiers. Elle ajouta que la situation du requérant dans son travail faisait qu’il disposait de renseignements dont la publication aurait été contraire aux intérêts commerciaux de la banque. M. Herbai contesta son licenciement devant les tribunaux, la Kúria se prononçant en définitive en faveur de la banque et observant que son comportement avait pu présenter un risque pour les intérêts commerciaux de son employeur. Le requérant forma un recours constitutionnel, soutenant que les tribunaux n’avaient pas tenu compte de son droit à la liberté d’expression. La Cour constitutionnelle le débouta au motif que le contenu du site Internet n’était pas protégé par la liberté d’expression en raison du fait que les articles ne concernaient pas des questions d’intérêt public.  Invoquant l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme, le requérant se plaint de son licenciement motivé par les articles en ligne.

La Cour européenne des droits de l’homme considère qu’elle doit rechercher si les tribunaux se sont livrés à la mise en balance nécessaire du droit à la liberté d’expression du requérant, dans le contexte de sa relation professionnelle, à l’aune du droit de son employeur à la protection de ses intérêts commerciaux. La Cour retient quatre éléments quant à l’ampleur des restrictions possibles au droit à la liberté d’expression dans le cadre professionnel en cause : la nature des propos; l’intention de l’auteur; tout préjudice qui en aurait résulté; et la gravité de la sanction. Premièrement, la Cour estime, contrairement à la Cour constitutionnelle, que les propos en question, qui visaient un public professionnel, étaient de nature à être protégés car ils présentaient les caractéristiques d’une discussion sur des questions d’intérêt public. Deuxièmement, si les commentaires motivés par les conflits ou antagonismes personnels ne peuvent jouir d’un niveau élevé de protection, la Cour constate que les tribunaux internes n’ont vu aucune intention de la sorte dans les actions du requérant. Elle fait également sienne la thèse de ce dernier selon laquelle les questions évoquées sur le site Internet se rapportaient à une profession et visaient au partage des connaissances. Concernant la troisième question, la Cour note que les tribunaux internes se sont concentrés sur la question du préjudice potentiel pour les intérêts commerciaux légitimes de la banque et de la possibilité que le requérant divulgue des renseignements commerciaux confidentiels. Or, alors que le droit interne offrait à l’employeur une certaine latitude pour déterminer quel comportement risquait de nuire aux relations de travail sans qu’une telle nuisance soit clairement manifeste, ni l’employeur ni la Kúria n’ont cherché à démontrer en quoi les propos en question avaient pu porter préjudice à la banque. Sur la dernière question, il est clair que le requérant a subi une grave sanction car il a perdu son travail sans qu’une mesure moins lourde eût été envisagée.  La Cour ne voit donc aucune réelle mise en balance des intérêts en question, les deux juridictions supérieures ayant jugé que le droit à la liberté d’expression de M. Herbai soit n’était pas entré en jeu, soit n’avait aucune pertinence. L’issue du litige professionnel a été purement dictée par des considérations contractuelles entre la banque et le requérant, privant de tout effet le droit de ce dernier à la liberté d’expression. La Cour conclut que les autorités internes n’ont pas démontré de manière convaincante que le rejet de la contestation de son licenciement par M. Herbai reposait sur un juste équilibre entre les droits de chacune des parties. Elles n’ont donc pas satisfait à leur obligation découlant de l’article 10 et il y a eu violation de cette disposition.

  • Herbai c. Hongrie (requête no. 11608/15), Cour européenne des droits de l’homme, 5 novembre 2019.

  

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