Le Tribunal est appelé à disposer d’une objection à l’introduction d’un élément de preuve que la partie défenderesse souhaite introduire dans le cadre d’un litige sur la garde de deux enfants de 11 ½ ans et de 8 ans, soit un courriel entre la mère et la plus vieille des enfants, qui ferait la preuve de la thèse du père que la mère fait de l’aliénation parentale à son endroit.
Sans même avoir pris connaissance de la pièce, le Tribunal est d’opinion que le courriel ne peut être admis en preuve. D’abord, une juge s’est déjà prononcée sur le fait que le père enregistrait systématiquement les conversations téléphoniques entre Madame et sa fille, à leur insu, en utilisant un dispositif à même le téléphone cellulaire qu’il fournissait à ses filles pour communiquer avec leur mère. Autoriser le dépôt en preuve dudit courriel déconsidérerait l’administration de la justice, car après l’intervention de la juge qui a donné lieu à l’engagement du père de respecter ce droit fondamental, l’expectative de vie privée de l’enfant et de sa mère est devenue encore plus grande, et c’est précisément à ce moment que le père décide d’accéder une fois de plus à des communications qu’il sait pertinemment être privilégiées, même si le média est différent de l’audio, ce qui laisse perplexe. Le fait que le père ait cette fois ouvert un courriel qui ne lui était clairement pas destiné, en prenant le téléphone de sa fille, en composant le code secret qu’il lui a vu faire à quelques reprises lorsqu’elle ouvrait son téléphone près de lui, alors que le père confirme que sa fille n’a jamais partagé ledit code avec lui ne justifie pas par ailleurs de faire comme si rien ne s’était passé. La preuve sur voir-dire confirme que l’enfant n’a jamais donné son consentement pour que son père accède aux données contenues dans son téléphone et dans sa tablette, pour aller y consulter son compte « Gmail », afin d’y lire ses courriels. Quant à la nécessité d’une telle preuve, dans le contexte de l’article 33 C.c.Q., il existe d’autres façons de démontrer l’aliénation parentale. Ouvrir la porte à tout parent désireux de faire la preuve de ses allégations d’aliénation parentale en produisant des courriels obtenus dans les conditions telles que celles décrites dans cette affaire, cela est susceptible de constituer un précédent dangereux pour le respect de la vie privée d’un adolescent et du parent avec qui cet adolescent entretient des communications privées.