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Applicabilité des interdits de publicité électorale sur les réseaux sociaux

19 Mar 2020 11:58 AM | CAN-TECH Law (Administrator)

L’intimé, en tant que responsable des médias sociaux pour un parti politique lors de l’élection provinciale de 2014, a publié sur le réseau social Facebook de la publicité partisane payée, et ce pendant la période interdite de 7 jours, faisant ainsi face à une accusation de contrevenir à l’article 429 de la Loi électorale.  Cet article interdit l’affichage de publicité électorale sur un espace loué pendant la période d’interdiction.  L’intimé a déposé une requête en non-lieu alléguant à la fois le manque de preuve et que les termes de l’article 429 de la Loi électorale ne s’appliquent pas à la publicité faite sur les réseaux sociaux.  En première instance, le juge de paix après une analyse interprétative de la Loi électorale, en vient à la conclusion que l’intention du législateur visait les endroits physiques où on loue un espace exclusivement pour de la publicité et pour une période déterminée contre rémunérations. Il écarte également l’application de l’article 76 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information et conclut que le chef d’accusation tel que libellé, ne correspond à aucune loi en vigueur.  L’appelant, le Directeur général des élections, estime que le premier juge a fait erreur en concluant que seuls les endroits physiques étaient visés par la limitation des publicités pendant la période des sept (7) jours suivant de la prise du décret déterminant la date du scrutin.  Il ajoute que le premier juge a fait également erreur en refusant de prendre en compte les dispositions de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information et a erré en omettant de considérer une approche libérale des termes utilisés par le législateur pour y inclure la publicité faite sur les réseaux sociaux.

Le Tribunal accueille l’appel et conclut que les dispositions de la Loi électorale limitant les dépenses électorales doivent recevoir une interprétation large afin de correspondre à l’intention du législateur.  De plus, la Loi électorale doit s’interpréter à la lumière de d’autres lois afin d’en assurer sa cohérence. C’est le cas de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information laquelle édicte à la fois l’objet de la Loi et la définition d’un document. Il n’est pas contesté que l’intimé a payé pour une publicité partisane sur un réseau social pendant la période d’interdiction de sept jours qui suivent celui de la prise du décret. Il s’agit d’un élément important à considérer puisqu’il implique l’objet même du contrôle des dépenses liées à une élection.  Les termes « loué à cette fin » n’étant pas en litige, reste donc à considérer les termes employés par le législateur à l’article 429, soit « afficher ou faire afficher sur un espace. »  L’objet de la Loi électorale qui est d’interdire la publicité payante pendant une certaine période est de s’assurer que tous les partis politiques puissent être égaux quant au moment où ils peuvent faire de la publicité relativement à leurs candidats ou programme électoral.  L’interdiction de publicité, quelle que soit sa structure ou sa distribution, que ce soit dans les médias spécifiquement mentionnés à l’article 429 ou dans la mesure résiduaire est interdite.   Le Tribunal préfère l’interprétation qu’en donne le Directeur général des élections du Québec à l’effet que la publicité payante pendant l’interdiction, fut-elle sur une plate-forme d’un réseau social tel que Facebookest couverte par l’article 429 de la Loi.

En adoptant une interprétation restrictive des termes « afficher ou faire afficher » comme signifiant « interdire la publicité sur les babillards et autres endroits physiques réservés à de la publicité à cette fin», le premier juge a omis de considérer l’objet même de la Loi. Afficher ou faire afficher n’a pas à être restreint aux espaces physiques comme le mentionne le premier juge. L’on peut afficher une opinion, une idée ou même un programme électoral de diverses façons.

Le fait que les réseaux sociaux que l’on connait aujourd’hui et plus particulièrement, un réseau comme Facebook qui offre sur sa plateforme des commandites payantes, n’empêchaient pas le premier juge de contextualiser les termes employés par le législateur.  Cette omission de considérer l’évolution sociologique de la société en regard de l’objectif du législateur l’emmène d’ailleurs à refuser de considérer la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information.  Or, cette loi d’application générale vise justement à s’assurer de la cohérence des règles de droit et leurs applications aux communications effectuées à l’aide des technologies de l’information. Le premier juge aurait pu s’en inspirer à la fois pour décider et déterminer la signification d’un « espace loué à cette fin. »

Malgré la conclusion que l’article 429 peut s’appliquer à une plateforme comme Facebook, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de substituer le verdict.  L’appel est accueilli et le dossier est retourné en première instance pour l’adjudication de la requête en non-lieu et la poursuite de l’instance.

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