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Le télétravail n’emporte pas que la prestation est effectuée en dehors de l’établissement de l’employeur

9 Dec 2021 4:56 PM | CAN-TECH Law (Administrator)

Dans une affaire où le syndicat reproche à l’employeur, d’utiliser les services de salariés qu’il emploie dans l’établissement où le lock-out a été déclaré pour remplir les fonctions de salariés faisant partie des unités de négociation en lock-out, contrevenant ainsi à l’article 109.1 g) du Code du travail (dispositions anti-briseurs de grève), l’employeur soulève entre autres que cette prohibition ne saurait trouver application pour une salariée qui effectue du télétravail.  Selon lui, cette dernière remplit les fonctions de salariés faisant partie de l’unité de négociation en lock-out, mais à l’extérieur de l’établissement dans lequel le lock-out a été déclaré.  Quant au Syndicat, il invite le Tribunal à interpréter largement la notion d’« établissement ». Il plaide que le travail qu’accomplit la salariée pour l’employeur, depuis sa résidence, a pour effet d’en faire le prolongement de l’usine de Joliette.

Le Tribunal explique que la notion d’« établissement » est centrale aux dispositions anti-briseurs de grève, dont la lecture met en évidence que l’interdiction du travail de remplacement n’est pas absolue. Parmi les balises du Code, on y recense les expressions suivantes : « dans l’établissement où la grève ou le lock-out a été déclaré » ainsi que « dans un autre de ses établissements ».

C’est la nature même du télétravail et son déploiement à très grande échelle dans le monde du travail qui forcent à reconnaître que la notion d’« établissement » peut s’entendre non seulement du lieu strictement physique où les salariés fournissent leur prestation de travail, mais aussi des lieux où cet « établissement » se déploie même virtuellement et d’où les salariés exécutent leur travail, et ce, au-delà des « frontières traditionnelles » de l’« établissement ». Ainsi, dans la mesure où l’« établissement » de l’employeur se déploie pour permettre l’exécution du travail par des salariés en télétravail à partir de leur domicile et sous l’autorité de l’employeur, au même titre que s’ils s’étaient trouvés à l’usine, il convient de retenir que ces salariés exécutent leur travail dans l’« établissement ».  En fait, aujourd’hui, l'« établissement » peut être facilement prolongé aux espaces privés où le salarié exécute son travail pour l’employeur, avec l’aval de ce dernier. Ce télétravail demeure caractérisé par la subordination juridique, qui est au cœur de la relation employeur-salarié, et se réalise en recourant aux technologies de l’information et de communication déployées par l’employeur. 

Le télétravail s’inscrit alors dans le cadre de l’exploitation, par l’employeur, de son entreprise ou d’une partie de celle-ci sous la même unité de gestion que s’il s’était exécuté à l’intérieur des « frontières traditionnelles ». Bref, il n’y a aucune différence, si ce n’est que la prestation de travail est délocalisée, au moyen des technologies de l’information et de communication. À l’évidence, on ne saurait soutenir qu’en télétravaillant de chez lui, dans ce contexte précis, le salarié se trouve dans un autre établissement de l’employeur ni même ailleurs que dans l’« établissement » de ce dernier.

C’est donc dire que si un salarié fournit sa prestation de travail depuis son lieu habituel de travail, ou sa résidence, en télétravail, la prestation de ce salarié cessera dès que le moyen de pression sera exercé et que les accès au réseau privé virtuel lui auront été retirés. On aura donc théoriquement, mais aussi pratiquement et virtuellement verrouillé les portes des locaux qui sont la propriété de l’employeur, mais aussi celles du lieu où s’exerce le télétravail. Ce concept de l’« établissement déployé » s’harmonise avec l’esprit des dispositions anti-briseurs de grève.

Unifor, section locale 177 c. Groupe CRH Canada inc., 2021 QCTAT 5639 (CanLII), 25 novembre 2021, <https://canlii.ca/t/jkxtp>

  

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