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Admissibilité en preuve de textos échangés sur Messenger

9 Dec 2021 4:58 PM | CAN-TECH Law (Administrator)

Dans le cadre de l’administration de la preuve portant sur la garde de l’enfant s’est soulevée la question de l’admissibilité de textos échangés sur l’application Facebook (messagerie « Messenger ») entre le père et une tierce partie. La mère désire produire ces textos et le père s’y objecte. Sur l’aspect relatif à la consommation de drogue « dure », la mère veut produire un document qui contient des textos échangés entre le père et une tierce partie, document qui serait de nature, selon elle, à prouver l’allégation de consommation.

La mère a eu accès à ces échanges de textos par le biais du compte Facebook du père, dans la messagerie « Messenger », compte dont le père ne se serait pas déconnecté lors de sa dernière utilisation sur le portable de la mère, alors qu’il habitait encore dans sa résidence. C’est donc par le biais de son propre portable que la mère a pu accéder au compte Facebook du père et prendre connaissance de ses communications privées dans Messenger.  Le père s’objecte au dépôt de ce document puisqu’il contient des textos échangés dans un contexte de communications privées avec une tierce partie, communications obtenues par la mère à son insu, sans son consentement et donc en contravention de son droit à la vie privée.

L’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne prévoit que « toute personne a droit au respect de sa vie privée ». L’article 35 du C.c.Q., prévoit que « toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée » et que « nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l’autorise ». L’alinéa 2 de l’article 36 C.c.Q. prévoit quant à lui que « peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d’une personne les actes suivants : (…) 2° Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée (…) ». 

Le Tribunal considère que l’omission du père de se déconnecter de son compte Facebook ne constituait pas, pour autant, un « laisser-passer » pour que la mère puisse prendre connaissance de toutes les communications privées du père dans Messenger, d’autant plus que les parties étaient séparées à cette époque (bien que vivant toujours sous le même toit) et qu’elle n’accède donc pas à son compte Facebook avec son assentiment exprès, ni même tacite.

La mère « interceptait une communication privée » sans le consentement du père et les conditions dans lesquelles ces communications furent obtenues portent atteinte au droit à la vie privée du père, rencontrant ainsi la première condition pour exclure un élément de preuve en vertu de l’article 2858 C.c.Q.  Malgré cette intrusion de la mère dans la vie privée du père, le Tribunal considère que l’utilisation de la communication privée n’est pas ici de nature à déconsidérer l’administration de la justice et ne rencontre donc pas la deuxième condition pour exclure un élément de preuve en vertu de l’article 2858 C.c.Q.  Le Tribunal n’est pas convaincu que la preuve obtenue en contravention du droit à la vie privée du père constitue un abus du système de justice, en l’espèce, puisqu’elle est motivée par une justification juridique véritable et suffisante, soit la recherche du meilleur intérêt de l’enfant.

Comme le document obtenu est pertinent à l’analyse de la question de la garde d’un enfant, puisque la consommation de drogue « dure » est un élément dont le Tribunal doit tenir compte dans l’évaluation des capacités parentales du père, la jurisprudence et la doctrine étudiées donnent ouverture à l’admissibilité de ce document.

Au regard de la fiabilité, le document intitulé « textos échangés » fut communiqué par l’avocate de la mère à l’avocat du père en temps utile, avant l’audience. Cette communication préalable permettait au père d’en contester la recevabilité sous l’angle de la fiabilité, en soulevant un problème eu égard à l’intégrité du document. Or, le père n’a pas soulevé d’objection liée à la fiabilité du document et n’a pas complété les communications en question, qui étaient partielles, afin de les replacer dans un contexte qui leur donnerait un sens différent que celui que lui attribue la mère.

Le Tribunal rejette l’objection du père, qui avait été prise sous réserve lors de l’audience et admet cette pièce comme élément de preuve. Bien que ce document ait été obtenu par la mère d’une manière qui contrevient au droit à la vie privée du père, son obtention ne déconsidère pas pour autant l’administration de la justice dans les présentes circonstances et, de plus, sa fiabilité doit être tenue pour acquise puisqu’elle n’est pas contestée par le père.

Droit de la famille — 211040, 2021 QCCS 2416 (CanLII), 9 avril 2021, <https://canlii.ca/t/jggg0>

  

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