Il est demandé au Tribunal d'ordonner la divulgation du contenu informatique de téléphones cellulaires que l’Autorité des marchés financiers (AMF) a saisis en 2017 dans le cadre d'une perquisition effectuée au lieu d'affaires de l'un des défendeurs et qu'elle détient depuis. Les représentantes de l’AMF prétendent, pour ne pas divulguer le contenu des appareils cellulaires, que la technologie dont disposaient les enquêteurs au moment de la saisie n’a pas réussi à briser les mots de passe de ces appareils et n’a pas permis l’extraction de messages courriel ou Skype. Elles soulignent que c’est pour cette raison que l’ensemble des informations se trouvant dans ces téléphones cellulaires n’a pas été divulgué.
Certes l’AMF avait l’obligation de divulguer les informations en sa possession qui sont des fruits de l’enquête et le contenu des téléphones saisis dans le cours de l’enquête est un fruit de l’enquête. Toutefois, le Tribunal est d’avis que cette obligation de divulgation ne s’applique pas aux renseignements qui échappent au contrôle de l’AMF.
Un mot de passe est appliqué sur un appareil électronique pour assurer la confidentialité des données qu’il contient. Il s’agit d’une mesure prise par le propriétaire d’un appareil pour en interdire l’accès à celui qui ne possède pas le mot de passe. Ainsi, une personne peut posséder un téléphone sans avoir accès à son contenu. C’était le cas des enquêteurs de l’AMF en 2017. Confrontée aux limites technologiques de l’époque, l’AMF n’avait pas à divulguer ce à quoi elle n’avait pas accès ou qui n’était pas sous son contrôle. Elle ne pouvait pas ni ne devait communiquer le contenu des messages courriel ou Skype auxquels elle n’avait pas accès.
Cependant, l’obligation de divulgation est continue. Les preuves à l’effet que la technologie actuelle permettrait possiblement d’extraire le contenu ou une partie du contenu des téléphones cellulaires obligent l’AMF à réévaluer les renseignements en sa possession. Les téléphones cellulaires sont toujours en possession de l’AMF. S’il s’avère que la technologie dont dispose le Laboratoire d’informatique judiciaire permet maintenant l’accès aux appareils, l’AMF devra se conformer à ses obligations de divulgation.
Lacroix c. Autorité des marchés financiers, 2022 QCCQ 1884 (CanLII), <https://canlii.ca/t/jntq0>, 20 avril 2022.