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NOUVELLES
Le demandeur réclame le paiement de certaines réparations effectuées à l’égard d’un véhicule automobile d’occasion acquis de St-Eustache Mitsubishi inc. Le 23 juillet 2018, le demandeur a transmis un courriel au représentant de St-Eustache Mitsubishi, pour l’informer de la persistance du bruit et des anomalies malgré les réparations de St-Eustache Mitsubishi de sorte qu’il verrait à réclamer le coût des réparations à être effectuées. Le représentant affirme n’avoir jamais reçu ce courriel et qu’il a été informé des prétentions du demandeur que lors de la réception de la mise en demeure transmettant copie des factures de réparations et en exigeant paiement. L’avis du 23 juillet est-il opposable au défendeur?
Puisqu’il prend la forme d’un courriel, l’avis du 23 juillet constitue un document technologique. L’impression de ce courriel est une copie résultant d’un transfert sur un support différent, soit sur du papier. L’article 2387 C.c.Q. de même que la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (LCCJTI) confirment l’équivalence fonctionnelle de l’écrit, et ce, peu importe le support utilisé. Lorsqu’un transfert d’un document technologique est en cause, les articles 2841 et 2842 C.c.Q. prévoient à quelles conditions la copie résultant de ce transfert peut tenir lieu du document reproduit.
En l’instance, le Tribunal est satisfait de l’intégrité du transfert des informations contenues à l’origine dans la boite d’envoi du demandeur. La présentation visuelle du courriel du 23 juillet est identique à tous les autres courriels. De plus, ce courriel a été créé en utilisant la fonction RÉPONDRE puisque la reproduction inclue un courriel transmis quelques jours plus tôt par le représentant au demandeur. Finalement, l’impression donne accès à certaines des métadonnées internes du courriel, soit les informations relatives à l’expéditeur, le récipiendaire, la date et l’heure de l’envoi et le sujet ainsi que la signature programmée utilisée par le demandeur et les avertissements de confidentialité qui accompagnent la signature du demandeur sur tous les courriels transmis par lui.
À défaut d’une preuve directe, le Tribunal est satisfait de l’existence de présomptions graves, précises et concordantes que la copie papier tient validement lieu du courriel du 23 juillet. Ce faisant, le Tribunal conclut également à l’application des présomptions énoncées à l’article 31 de la LCCJTI relatives à la transmission de document technologique. En effet, le courriel du 23 juillet est ainsi devenu accessible à St-Eustache Mitsubishi par l’intermédiaire de la boite de réception attachée à l’adresse courriel de son représentant suite à son envoi.
Le Tribunal conclut ainsi que le demandeur a bel et bien transmis le courriel du 23 juillet et que ce faisant, il s’est acquitté de l’obligation préalable de mise en demeure dont doit s’acquitter un créancier qui souhaite faire exécuter l’obligations aux frais du débiteur.
Alexis-Thomas RENAUD et Patrick TRENT, « L'employé et son téléphone intelligent : faire face à l'enregistrement clandestin en milieu de travail », Développements récents en droit du travail (2019), Service de la formation continue du Barreau du Québec, 2019, EYB2019DEV2685.
La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) a publié un règlement type à l’intention des organisations désireuses d’encadrer le recours aux procédés biométriques dans les environnements de travail. Le règlement « biométrie sur les lieux de travail» précise les obligations des employeurs souhaitant recourir aux dispositifs biométriques pour contrôler les accès aux espaces, aux applications et aux outils de travail.
La biométrie est souvent présentée comme une alternative ergonomique et efficace à l’usage de mots de passe trop nombreux et trop longs à retenir. En effet, les données biométriques permettent à tout moment l’identification de la personne concernée sur la base d’une réalité biologique qui lui est propre, permanente dans le temps et dont elle ne peut s’affranchir. Pour autant, et précisément pour ces raisons, leur traitement génère des risques importants pour les droits et les libertés des personnes, dans l’hypothèse où ces données seraient compromises.
Le règlement européen sur la protection des données (RGPD) a consacré le caractère particulier des données biométriques en les qualifiant de « sensibles », au même titre que les données concernant la santé, les opinions politiques ou les convictions religieuses. Le traitement de ces données sensibles est en principe interdit, sauf certains cas limitativement énumérés.
Pour adapter le droit national à cette évolution des règles européennes, le législateur français a modifié la loi Informatique et Libertés. Les nouvelles dispositions prévoient que des dispositifs de contrôle d'accès biométriques peuvent être mis en place par des employeurs à condition d'être conformes à un règlement type élaboré par la CNIL. Ce règlement type a vocation à s’appliquer à toute utilisation des données biométriques imposée par un employeur de droit public ou privé à son personnel au sens large (employés, stagiaires, salariés intérimaires, bénévoles, personnes en service civique, agents des trois fonctions publiques, etc.) pour contrôler les accès aux locaux, aux applications et aux outils professionnels.
Ce cadre de référence s’inscrit dans la continuité des positions antérieures de la CNIL en matière de biométrie sur les lieux de travail. Il précise aux organismes comment encadrer leurs traitements de données biométriques et revêt un caractère contraignant. Les organismes qui mettent en œuvre ces traitements sont donc tenus de respecter les indications données dans le règlement type.
Dans le contexte d’une fin d’emploi, le Tribunal est saisi d’une demande d’homologation d’une transaction intervenue entre les parties, laquelle n’est pas signée par la mise en cause. À l’audition, la mise en cause est absente. La demanderesse demande à procéder par défaut. La demanderesse soutient qu’une entente est intervenue entre les parties selon les termes de la Transaction et Quittance et qu’elle a commencé à effectuer les versements prévus à l’entente sans que la mise en cause ne s’y objecte.
La demanderesse procède sur preuve documentaire. Elle soumet, à titre de preuve de l’acceptation de la mise en cause des termes de la Transaction et Quittance, les courriels échangés entre les parties. Or, s’il appert de la preuve qu’une entente est intervenue entre les parties quant aux montants payables à la mise en cause, notamment, il appert que la proposition contenue au courriel transmis par la mise en cause le 27 novembre 2017 à 15h57 diffère considérablement de la Transaction et Quittance quant aux modalités de versements de la somme de 125 000 $ convenue entre les parties. Quant au courriel transmis par la demanderesse par la suite, soit à 17h12, le Tribunal est d’avis que cet écrit ne peut faire la preuve de l’acceptation de la mise en cause des termes de la Transaction et Quittance. Si la demanderesse souhaitait s’en prévaloir à titre de déclaration écrite pour valoir témoignage, elle aurait dû, tel que le prévoit l’article 2870 C.c.Q., en donner avis à la partie adverse, ce qu’elle n’a pas fait. De plus, au-delà de l’allégation des versements qu’elle a effectués en exécution de l’entente, la demanderesse ne soumet aucune preuve de ces déboursés ni de leur encaissement par la mise en cause. Le Tribunal conclut donc qu’il y a une lacune importante dans la preuve de la demanderesse au sujet du consentement de la partie mise en cause des termes de la Transaction et Quittance. S’agissant d’un élément essentiel pour disposer de l’affaire et dans l’intérêt d’une saine administration de la justice, il y a lieu de le signaler aux parties et de permettre à la demanderesse de combler cette lacune dans la preuve,
Le travailleur allègue la survenance d’une lésion professionnelle à l’épaule droite. Dans le cadre de plusieurs contestations devant le Tribunal administratif du travail concernant notamment l’admissibilité, le diagnostic et les séquelles de la lésion, il s’oppose au dépôt en preuve d’une captation vidéo par un enquêteur qui, dans le cadre de son mandat, a assisté au spectacle d’un groupe musical dont le travailleur en est le batteur. L’enquêteur a remis la vidéo de cette prestation musicale à l’employeur qui l’a acheminé à son médecin désigné. Le tout a engendré une révision de la décision de l’employeur.
Le Tribunal considère que le rapport de surveillance et les pièces qu’il contient soit les photos, le mandat de surveillance donné à la firme d’enquêteurs, les pages Facebook et la vidéo sont recevables en preuve. Le travailleur ne remet pas en question son identité sur les images captées ni n’allègue de problèmes quant à la conception ou l’altération de la vidéo de surveillance. L’authenticité de cette preuve n’est pas attaquée et la vidéo est considérée fiable. Le Tribunal juge que le travailleur n’a pas subi d’atteinte à sa vie privée puisque la vidéo a été produite alors qu’il se livrait à une activité publique. Les informations relatives au spectacle ont été publiées sur son compte Facebook. Celui-ci a lancé une invitation à tous de venir le voir en spectacle. Comme il s’agit d’une page publique accessible à tous les utilisateurs Facebook, le travailleur ne peut prétendre à une atteinte à sa vie privée. L’employeur n’utilise donc pas de subterfuge ou de moyens détournés pour avoir accès au compte Facebook du travailleur. L’expectative de vie privée est pratiquement nulle lorsqu’une personne se produit en spectacle. Le travailleur donne un concert sur une scène publique ouverte à tous ceux s’étant procurés un billet d’entrée. Les personnes sur place étaient justement présentes pour observer sa prestation musicale. L’attente de vie privée pendant le spectacle est donc inexistante.
Gestion MedRéseau inc. est une entreprise visant à mettre en lien des vétérinaires disponibles pour des remplacements selon les besoins des cliniques. Le Tribunal doit déterminer si les remplaçants sont des employés de Gestion MedRéseau ou plutôt des travailleurs autonomes qui ne peuvent être considérés comme des travailleurs selon l’article 9 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, c’est-à-dire que leurs salaires n’ont pas à être inclus dans la déclaration des salaires que doit déposer l’entreprise.
Tenant compte de la preuve soumise, le Tribunal est d’avis qu’on ne retrouve pas, entre Gestion MedRéseau inc. et les vétérinaires remplaçants, les attributs essentiels d’un contrat de travail et particulièrement celui de la subordination juridique. L’entreprise a mis en place un site web destiné à mettre en lien des vétérinaires disponibles pour effectuer des remplacements avec des cliniques ayant besoin de combler temporairement des postes. L’entreprise, à l’aide de sa plateforme VetMatch, agit comme un babillard virtuel sur lequel les vétérinaires inscrits peuvent faire part de leurs disponibilités et sur lequel les cliniques inscrites peuvent faire part de leurs besoins ponctuels. La plateforme permet les rapprochements entre les disponibilités des vétérinaires inscrits et les besoins exprimés par les cliniques inscrites. Ces rapprochements se font à l’aide d’algorithmes.
Les vétérinaires doivent préalablement s’inscrire en fournissant divers renseignements pour avoir accès à la plateforme. Des vidéoconférences sont même tenues pour effectuer des entrevues afin de bien connaître le profil des vétérinaires, ceci afin de maximiser l’efficacité des algorithmes de VetMatch au plan des critères géographiques ou de la nature des actes vétérinaires. Une telle procédure d’inscription et d’accès au site ne sauraient être constitutifs de contrat de travail unissant les vétérinaires et Gestion MedRéseau inc., et encore moins la naissance d’un lien de subordination juridique entre Gestion MedRéseau inc. et ces mêmes vétérinaires. Celle-ci ne décide d’aucune assignation. Elle facilite le lien entre un vétérinaire et une clinique par l’utilisation de sa plateforme. Et s’il y a remplacement, Gestion MedRéseau inc. n’exerce aucun contrôle quant à l’exécution du remplacement. Les détails du remplacement sont réglés entre le vétérinaire et la clinique. Et si le vétérinaire ne peut effectuer le remplacement convenu avec la clinique, il appartient à ce vétérinaire de trouver le remplaçant, lequel n’a pas à faire partie de la banque virtuelle de Gestion MedRéseau inc.
Le vétérinaire comptabilise ses heures et charge son déplacement. Il en avise Gestion MedRéseau inc. laquelle envoie une facture à la clinique. La clinique paie Gestion MedRéseau inc. et celle-ci perçoit un pourcentage sur le montant payé. Pour ses services de placement, Gestion MedRéseau inc. retient donc une partie du paiement de la clinique.
On ne peut voir dans ce procédé une preuve d’un contrat de travail et encore moins la rémunération d’un vétérinaire qui se serait obligé à effectuer un travail sous la direction ou sous le contrôle de Gestion MedRéseau inc. Cette dernière permet, via sa plateforme, de faire concorder les disponibilités d’un vétérinaire inscrit avec les besoins d’une clinique. Ce service a nécessairement un prix. Il n’y a pas non plus désir d’exercer un contrôle sur l’exécution du travail. Ce sont des algorithmes qui vont suggérer les rapprochements entre les disponibilités et les besoins.
Le Tribunal est d’avis qu’ils sont des travailleurs autonomes. Les vétérinaires peuvent choisir de s’inscrire. Une fois inscrits, ils peuvent accepter ou refuser les offres générées par la plateforme virtuelle. Si l’offre les intéresse, ils conviennent des modalités de remplacement. Gestion MedRéseau inc. ne leur paie aucune formation ni aucune assurance professionnelle. Ils fournissent leur qualification et leur savoir professionnel pour effectuer le remplacement convenu avec la clinique. À l’égard de Gestion MedRéseau inc. et du service que celle-ci leur offre à savoir une plateforme virtuelle pour les mettre en lien avec des cliniques, les remplaçants sont des travailleurs autonomes.
Dans le cadre d’un recours en contestation de la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi, le Tribunal évalue le caractère fautif des publications de la plaignante sur Facebook. L’employeur prétend que la fin d’emploi résulte de divers comportements de la plaignante, dont le manquement à son devoir de loyauté en incitant des clients à consulter d’autres cliniques dentaires à la suite de publications sur des réseaux sociaux.
La plaignante, agente administrative dans une clinique dentaire, a partagé à dix occasions, avec la soixantaine « d’amis » de son réseau social, des publicités de trois autres cliniques dentaires. Généralement, la plaignante n’ajoute aucun commentaire et ne fait que relayer les publicités des cliniques. Cependant, en mars 2017, la plaignante louange les qualités d’un des dentistes qu’elle a consulté pour des soins spécialisés que ne dispense pas son employeur. Son employeur perçoit ce dernier message comme une attaque directe à son égard. Certes, la plaignante en relayant ces publicités suggère à ses amis de consulter d’autres dentistes que son employeur. C’est pour le moins un manque de jugement, même si ces dentistes rendent des services spécialisés que n’offre pas son employeur.
Toutefois, le Tribunal retient que l’employeur a eu connaissance de certaines des publications de la plaignante dès l’automne 2016 et qu’il ne lui a jamais ordonné ni même demandé de s’abstenir de partager ces publicités. De plus, il n’existe aucune politique visant l’usage des réseaux sociaux et il n’en a jamais été question lors des rencontres collective ou individuelle avec les employées. Il est raisonnable de croire que la plaignante n’y a rien vu de répréhensible, d’autant qu’elle avait déjà partagé ce type de publicités par le passé. De plus, l’employeur reproche à la plaignante d’avoir partagé sur Facebook, également en mars 2017, l’article suivant : « Une étude révèle qu’un mauvais patron peut rendre ses employés malades », alors même que la plaignante est absente du travail et qu’elle a déposé une plainte de harcèlement psychologique. Cet article n’est pas anodin puisqu’il est transmis à des « amis » qui sans doute connaissent la situation conflictuelle de la plaignante avec son employeur. Ce comportement doit être analysé avec l’ensemble des autres reproches, mais à lui seul il ne peut justifier un congédiement. Finalement, l’employeur attribue à la plaignante deux critiques négatives publiées dans les avis « Google » par deux clientes. Bien qu’un patient soit venu témoigner de la qualité des soins reçus, ceci ne permet aucunement d’imputer à la plaignante les commentaires négatifs de certains patients insatisfaits. Il s’agit d’une pure spéculation de l’employeur qui n’est pas supportée par la preuve.
En tenant compte du contexte de l’affaire, ces partages et publications Facebook concernant d’autres cliniques dentaires ou l’article concernant la santé mentale au travail ne revêtent pas l’importance que l’employeur leur attribue.
Le Tribunal est appelé à disposer d’une objection à l’introduction d’un élément de preuve que la partie défenderesse souhaite introduire dans le cadre d’un litige sur la garde de deux enfants de 11 ½ ans et de 8 ans, soit un courriel entre la mère et la plus vieille des enfants, qui ferait la preuve de la thèse du père que la mère fait de l’aliénation parentale à son endroit.
Sans même avoir pris connaissance de la pièce, le Tribunal est d’opinion que le courriel ne peut être admis en preuve. D’abord, une juge s’est déjà prononcée sur le fait que le père enregistrait systématiquement les conversations téléphoniques entre Madame et sa fille, à leur insu, en utilisant un dispositif à même le téléphone cellulaire qu’il fournissait à ses filles pour communiquer avec leur mère. Autoriser le dépôt en preuve dudit courriel déconsidérerait l’administration de la justice, car après l’intervention de la juge qui a donné lieu à l’engagement du père de respecter ce droit fondamental, l’expectative de vie privée de l’enfant et de sa mère est devenue encore plus grande, et c’est précisément à ce moment que le père décide d’accéder une fois de plus à des communications qu’il sait pertinemment être privilégiées, même si le média est différent de l’audio, ce qui laisse perplexe. Le fait que le père ait cette fois ouvert un courriel qui ne lui était clairement pas destiné, en prenant le téléphone de sa fille, en composant le code secret qu’il lui a vu faire à quelques reprises lorsqu’elle ouvrait son téléphone près de lui, alors que le père confirme que sa fille n’a jamais partagé ledit code avec lui ne justifie pas par ailleurs de faire comme si rien ne s’était passé. La preuve sur voir-dire confirme que l’enfant n’a jamais donné son consentement pour que son père accède aux données contenues dans son téléphone et dans sa tablette, pour aller y consulter son compte « Gmail », afin d’y lire ses courriels. Quant à la nécessité d’une telle preuve, dans le contexte de l’article 33 C.c.Q., il existe d’autres façons de démontrer l’aliénation parentale. Ouvrir la porte à tout parent désireux de faire la preuve de ses allégations d’aliénation parentale en produisant des courriels obtenus dans les conditions telles que celles décrites dans cette affaire, cela est susceptible de constituer un précédent dangereux pour le respect de la vie privée d’un adolescent et du parent avec qui cet adolescent entretient des communications privées.
On reproche au défendeur d’avoir conduit un véhicule routier en faisant usage d’un téléphone cellulaire, et ce, en contravention avec l’article 443.1 du Code de la sécurité routière (C.s.r.). Le 6 septembre 2018, le défendeur circulait à bord d’une camionnette à Québec en écoutant une émission de jazz à la radio. Une pièce musicale capte son attention et il tente de mémoriser le nom de l’artiste qui vient d’être mentionné par l’animateur. Craignant que sa mémoire « poreuse » ne lui joue des tours, le défendeur profite d’un arrêt à un feu rouge pour le noter sur son téléphone cellulaire. Selon le défendeur, toute l’opération dure à peine « dix secondes ». Est-ce que cette utilisation d’un téléphone cellulaire est prohibée par l’article 443.1 C.s.r.? Autrement dit, est-ce que l’expression « faire usage » d’un téléphone cellulaire englobe la prise de notes?
La jurisprudence développée sous l’ancien article 439.1 C.s.r. reconnaissait que l’expression « faire usage » d’un téléphone cellulaire ne se limitait pas à la transmission ou la réception d’informations. L’infraction pouvait ainsi être commise autrement que par l’envoi ou la réception d’appels téléphoniques ou de messages textes. En l’espèce, la preuve établit que le défendeur a pris son téléphone cellulaire dans ses mains pour prendre une note. Cette opération implique notamment le déverrouillage de l’appareil, la sélection d’une application permettant la prise de notes, l’ouverture d’un nouveau fichier, la dactylographie d’un texte à l’aide du clavier, la sauvegarde des informations saisies et le rangement de l’appareil. Pendant cette séquence d’opérations, l’attention du défendeur est concentrée sur l’écran du téléphone cellulaire. De même, ses mains ne sont plus sur le volant. En outre, le défendeur est tellement absorbé par cette tâche (apparemment fort simple) qu’il ne porte pas attention à l’appel sonore (horn) fait par les policiers. Même lorsqu’il est immobilisé à un feu de circulation, le conducteur d’un véhicule routier doit demeurer vigilant et être en mesure de réagir à toute situation. Le défendeur ajoute qu’il connaît très bien cette intersection et que le feu rouge s’affiche pendant « deux minutes ». Par conséquent, il avait amplement le temps de rédiger sa note pendant son immobilisation au feu rouge. Or, la dangerosité de la manœuvre n’est pas un critère à évaluer en regard de la commission de l’infraction. En édictant les dispositions visant les « distractions au volant », le législateur a voulu éliminer des comportements considérés dangereux pour la sécurité publique. Enfin, l’article 443.1 C.s.r. n’exige pas que le véhicule routier soit en mouvement pour que l’infraction soit commise; l’interdiction s’applique aux véhicules routiers immobilisés à un feu de circulation. Le défendeur est reconnu coupable.
Il est reproché à la défenderesse, une entreprise de télécommunication, d’avoir contrevenu à des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur (L.p.c.) ajoutées en 2009 afin de mieux encadrer les contrats conclus entre un commerçant et un consommateur dans le domaine de la téléphonie sans fil. La défenderesse soutient que les nouvelles dispositions de la L.p.c. sont invalides ou, subsidiairement, inapplicables et inopérantes à son endroit. Selon elle, ces dispositions sont ultra vires des pouvoirs de la législature provinciale et relèvent du champ de compétence du Parlement. Subsidiairement, ces dispositions devraient à son avis être déclarées inapplicables et inopérantes à son endroit, et ce, en application des doctrines de l’exclusivité des compétences et de la prépondérance fédérale.
La défenderesse a mis en place un réseau permettant de dispenser des services de téléphonie mobile, de téléphonie résidentielle, de télévision et d’internet à des clientèles résidentielles et d’affaires. Elle exploite ce réseau sur l’ensemble du territoire canadien en conformité avec la réglementation fédérale applicable. Ses activités sont encadrées et régies par un vaste corpus législatif et réglementaire édicté par le Parlement. Afin d’exploiter son réseau, la défenderesse est titulaire de licences de spectre émises sous l’autorité du ministre fédéral de l’Industrie en vertu de la Loi sur la radiocommunication. Selon la Loi sur les télécommunications, les « conditions de commercialisation » des services offerts aux consommateurs par la défenderesse sont fixées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Puisque la défenderesse est une « entreprise de télécommunication » offrant un « service de communication » au sens de l’article 2 de cette loi, ses activités sont assujetties aux pouvoirs de cet organisme. Les décisions et politiques du CRTC fixant les conditions de commercialisation des services de communication sont applicables à la défenderesse. La juridiction du CRTC sur cette question est très étendue. Elle comporte notamment le pouvoir de prendre des décisions et d’élaborer des politiques aux fins de protéger les consommateurs. L’adoption du Code sur les services sans fil de 2013 découle précisément de l’exercice de cette compétence. Il en est de même d’autres mesures de même nature élaborées par le CRTC au cours des 25 dernières années.
La Loi sur les télécommunications confie la responsabilité de la réglementation des communications, incluant les conditions de commercialisation et les tarifs au CRTC. Bien que le législateur ait attribué une vaste compétence au CRTC, il a balisé son exercice en l’assujettissant explicitement à un pouvoir et un devoir d’abstention. La loi prévoit que dans l’exercice de sa compétence, le CRTC doit s’abstenir d’exercer ses pouvoirs si « le cadre de la fourniture des services de télécommunication est suffisamment concurrentiel pour protéger les intérêts des usagers ». Par ailleurs, cette même disposition prévoit que le CRTC peut s’abstenir de les exercer lorsque cela « serait compatible avec la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication ».
Les dispositions de la L.p.c. qui font l’objet du présent litige – et qui sont à la base de la poursuite pénale intentée à l’endroit de la défenderesse - sont entrées en vigueur environ quatre ans avant que le CRTC n’adopte le Code sur les services sans fil. Ces dispositions législatives provinciales ont été adoptées alors que le CRTC s’abstenait de réglementer cet aspect spécifique des télécommunications en raison de l’obligation d’abstention édictée par le législateur fédéral. Bien que les modifications de 2009 soient rédigées en termes larges, la preuve présentée à l’audience révèle que l’initiative législative provinciale était particulièrement animée par l’objectif d’encadrer davantage le secteur spécifique de la téléphonie sans fil et des télécommunications aux fins de mieux protéger les consommateurs.
En édictant ce régime législatif unique, les parlementaires fédéraux ont jugé opportun de conférer une très large juridiction à un organisme spécialisé, le CRTC. Ils lui ont expressément attribué de vastes pouvoirs dont celui très spécifique de réglementer les tarifs et les conditions de commercialisation des services de télécommunications. Ils ont défini les multiples facteurs devant être considérés par le CRTC dans l’exercice de cette compétence. Et ils ont explicitement choisi d’assujettir l’exercice de cette compétence à un pouvoir et un devoir d’abstention. Ce champ de compétence est pleinement et entièrement occupé par le fédéral qui en régit tous les aspects allant de l’émission de licences et de permis d’exploitation à l’emplacement des tours de télécommunications, en passant par la prestation, la tarification et les conditions de commercialisation des services.
Alors que le CRTC s’était légalement abstenu de réglementer ces questions en vertu des spécificités uniques de sa compétence d’attribution, la législature provinciale a choisi d’édicter ses propres normes et exigences contractuelles en vue de les appliquer à l’industrie des télécommunications. Ces dispositions ont pour effet direct de régir cette industrie qui est déjà très étroitement réglementée par le fédéral en fonction de règles soigneusement adaptées à l’unicité de ce secteur d’activité. En adoptant ces mesures, la législature provinciale n’a pas considéré les facteurs et exigences que les parlementaires fédéraux imposent au CRTC en raison des particularités de cette industrie. Il est manifeste que les mesures provinciales ont pour effet de dicter les conditions de commercialisation des télécommunications, et ce, selon une perspective distincte et beaucoup plus étroite que celle de l’organisme spécialisé sur qui repose cette responsabilité. Il s’ensuit que la province régit directement le contenu de la compétence fédérale en matière de télécommunications.
Le Tribunal conclut que l’application des nouvelles dispositions de la L.p.c. à la défenderesse constitue une atteinte grave et importante au cœur de la compétence fédérale en matière de télécommunications interprovinciales et que la doctrine de l’exclusivité des compétences les rend ainsi inapplicables à son endroit. En outre, la doctrine de la prépondérance fédérale rend ces dispositions inopérantes à l’endroit de la défenderesse.
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